1916 : émergence de Dada
1948 : naissance de CoBrA
2025 : genèse de ZAZA…
Quoi ?
Un collectif novateur issu d’une génération spontanée ? D’une parthénogenèse ?
Un nouveau mouvement ?
-Certes, mais jouissivement incoordonné.
Une nouvelle école ?
-Oui, mais buissonnière alors.
Un truc sévère et guindé?….
En fait, pas trop, non, plutôt un truc qui pique, une mouvance comparable à l’effervescence émotionnelle d’un ado* épris de liberté et de justice.
Ce... « truc» est donc à la fois coupant, impertinent et dénué d’entraves.
* On pense ici aux âges propices à l’intensification de soi, à la créativité turbulente et aux occasions de rêver et de sentir autrement, comme l’évoquait si bien Gaston Bachelard lorsqu’il parlait de surenfance.
Mais qui sont ces ZAZA ?
Ils sont quatre, comme les bras de Tervueren, la Renault, les fils Aymon, les Cavaliers de l’Apocalypse, les tortues Ninja, le quart, les saisons d’Antonio, les groupes sanguins, les Beatles, les Fantastiques… Mais surtout comme les quatre points cardinaux, tant ils ratissent large lorsqu'ils expriment leurs sensibilités individuelles.
Ces artistes, on les connaît, mais rarement en tant qu’exposants.
C’est d’ailleurs là qu’est la surprise… Pour faire simple, la faction est à la recherche graphique ce que le combo The Residents est à l’expérimentation musicale...Une formation soucieuse d’anonymat, délibérément déphasée, (dis)tordue, avec une délectable touche de DIY qui «cerise» leur gâteau d’une irrévérencieuse solennité…
Un « groupe de variétés » au sens littéral du terme, en quelque sorte.
ZAZA, ça ne s’explique pas, ça se voit… Et ça se ressent, comme l’écharde qu’on se fiche dans le pouce en jouant aux cowboys et aux indiens dans le jardin de Mamy.
Cet automne est à marquer d’une pierre blanche car le gang s’auto-inaugure en se frottant au monde de La Lettre.
Sujet vaste s’il en est tant il est intimement lié, en terme de diffusion du savoir, à l’espèce humaine, qu’il s’agisse d’idéogrammes, de quipus incas, de calligraphies asiatiques ou d’alphabets divers (braille, cyrillique et autres…)
De plus, pour l’occasion, le quatuor se présente en mode quintet.
Une « cinquième roue du carrosse»? Pas du tout, juste un talentueux photographe bardé d’instantanés.
Et après tout, pourquoi pas ? Alexandre Dumas avait déjà fait le coup avec Les Trois Mousquetaires…
Qui étaient quatre.
Bref, comme dit précédemment, on ne peut envisager l’expo qu’en imaginant les points cardinaux d’un compas de marine… Avec, pour nord géographique, les intrigantes abstractions symbolistes allant de la douceur du sinogramme curviligne à l’âpreté de la déchirure d’une feuille de papier émeri, h.p. est un écorché-vif, hyper-réceptif aux drames humains actuels.
Au sud, une représentation « à la lettre » (et un tantinet rimbaldienne) d’une portion de l’univers alphabétique centrée sur le A et vu par r.m..
(NB: une préférence alphabétique qui, soit dit en passant, n’a rien à voir avec Le Monde des A de A. E. van Vogt . En fait, il faudrait plutôt fouiller du côté de la peinture du XVe siècle, dans cette fameuse toile de Petrus Christus (La Madone à l’arbre sec) plus précisément, car, outre ses multiples interprétations théologico-psychanalytiques parfois graveleuses, elle possède l'étonnante singularité de déborder de «a» )
L’est, où règne f.h., vous offrira non seulement l’opportunité de plonger à vous y perdre dans la profondeur des regards de ceux qui nous ont fait tomber amoureux des mots, mais aussi de réfléchir aux «sombritudes» nazies, drapées pour l’occasion d’inconvenantes teintes estivales qui s’incrustent dans la tête comme des petits graviers dans une voûte plantaire lorsqu’ils s’insinuent dans les chaussures.
Quant à l’ouest, laissé aux bons soins de r.d., il vous emportera dans un doux délire poétique tridimensionnel nettement moins naïf qu’il n’y paraît, l’univers de r.d. flirtant avec les mondes de Prévert , Allais, Dac et autres Vian.
Le nord magnétique, enfin, sera maintenu vaille que vaille par l’invité du mois f.p. et ses polaroids d’un N.Y.C. intemporel… Ses clichés chimériques, peuplés des fantômes de Patti Smith, Lou Reed, Tom Verlaine, mais aussi de JAY-Z et Alicia Keys, balisent le trajet d’un tagueur/bombeur irréel hantant le dernier demi-siècle d’une ville en mutation en y maculant, de Brooklyn à Harlem, un KHM5A dont le style graphique, changeant au gré des époques, se joue de toute chronologie.
Un grapheur imaginé, en somme, qui sert de prétexte à (re)découvrir la magie d’une Grosse Pomme en perpétuelle métamorphose.
On n’en dira pas davantage… C’est à voir, et c’est gratuit.

D’ailleurs, pour quitter leur terrain de jeu en fanfare, on va clôturer tout ça avec une plage musicale, parce que, en définitive, terminer en musique une chronique à fragmentation dédiée, au départ, au lettrage, c’est aussi une démarche un brin ZAZAesque non ?
Postface
Comme disait Zsa Zsa Gabor (actrice, 1917-2016, et probablement, sans qu’ils n’en soient conscients, muse du déroutant commando) : « Je vais vous dire : En ce monde, être un peu fou vous aide à rester sain »

À bientôt?
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