C’est pas fini… Rencontre avec Baba Nezar
Interview de Niko / Photos de Baba Nezar
Une tchatche urbaine, un franc-parler pour ce Montois qui a remporté le Next Prince Of Comedy en 2019, concours organisé par le King of Comedy Club à Bruxelles. Stand-uper, acteur, scénariste et amuseur. Aujourd'hui, on vous taille le profil pas conventionnel de Baba Nezar.
Baba Nezar : « Je n'étais jamais à l'aise avec le taf. Après une semaine de boulot, je voyais la mort au bout, j'allais péter les plomb… On se remet en question alors, on réfléchit comment faire autre chose.
Et par hasard, un jour sur le net, je tombe sur une annonce du King of Comedy Club qui organise une fois par an le concours d’humoristes Next Prince of Comedy. Excusez du peu ! Tu vois Nico, 100% des gagnants peuvent en vivre professionnellement par après, c'est un truc sérieux. Très modestement (et plus par curiosité), je me suis inscrit. Je voulais au moins tenter ma chance. Je suis de Frameries, ici c'est Bruxelles, je peux me ramasser, personne ne se souviendra de moi demain, je rentre chez moi et c'est bon ! Et donc, c'était la toute première fois que j'étais sur scène. J'étais tellement flippé et pas relax de prendre la parole. J’ai du mal à m'exprimer en public, à l’école, au taf,… Je n'aime pas du tout ça, prendre la parole pour m’expliquer. »
« Élevé avec le Jamel Comedy Club, Gad Elmaleh, fan de stand-up, tout a commencé le jour où on est allé voir François Pirette avec mes parents à l'Espace Magnum. C'était incroyable ! J’ai eu un déclic, ça m'a donné le goût du one-man-show.
Je suis tellement fan de Jamel et de tous ses spectacles que je les connais par cœur ! Tu sais la première saison, il y avait Blanche Gardin, Fabrice Éboué et beaucoup d'autres,.. C'était du lourd, c'était de la balle, c'était incroyable !
L'humour, il en faut pour tout le monde, comme il y a du rock ou du hip-hop… Et quand tu es devant les gens, il n’y a pas d’artifice. Tu es nu, sans rien. Sur scène, la lumière et le son arrivent avec le temps, c'est là pour servir tes textes, faire tomber une vanne. Mais le plus important, c'est la sincérité et ton histoire.
J'ai un pote Lillian, il fait du stand-up dans les parcs à Bruxelles. C'est un exercice beaucoup plus dur que n'importe quelle salle de spectacle ! Les gens, ils n’attendent pas du tout de te voir venir faire ça comme ça. Et je trouve que le stand-up a une image un peu bâtarde aux yeux des gens. Ils pensent que ça va être facile, alors que non. Contrairement au foot où, quand tu n’es pas bon, tu te rabats sur le mini foot, ça ne se passe pas comme ça. Tu dois y aller à fond. »
Septmille : En parlant de ça, comment as-tu gagné le concours Next Prince of Comedy ?
Baba Nezar : « Et bien, c’était intense. C’est là que j'ai pris conscience de l'ampleur de la chose. Le concours se déroule sur deux mois. Toutes les semaines, on doit présenter un texte de minimum cinq minutes. La deuxième semaine, c’est dix minutes, puis quinze, et tu finis avec un show de trente minutes pour une capsule vidéo de trois minutes et une chronique radio. C’est beaucoup d’énergie ! C'était un travail de malade en écriture, c'était un boulot à plein temps. Si j'avais été cuisinier, maçon ou ce que tu veux, je n'aurais pas eu le temps de faire ça. Tu n’as plus l’énergie ou la créativité quand tu rentres chez toi. Mais dès le matin, je faisais mon café, j’étais focus là-dessus.
Pendant deux à trois jours, je me bloque sur les axes, les idées, ce que je vais raconter après ça. Je suis seul, je me dis “Comment je vais le jouer ? Comment je vais réussir pour que cela sonne drôle ?“
Pendant la semaine, je vais parler seul dans ma cuisine, à mon chien, avec mon manche de casserole en main à essayer de jouer le truc. Je répète. “Non, ça sonne comme ça, plus comme ça, non comme ça, éviter ceci cela“. C'est deux semaines de taf pour cinq minutes, sur lesquelles je vais peut-être en garder deux ou trois, et peut-être trente secondes la semaine qui suit parce qu'on est de plus en plus exigeant avec soi-même.
Faut trouver son personnage aussi, c'est un boulot d’observation. Comment rester dans les axes et ne pas s’éparpiller, comment rendre ça percutant et suffisamment drôle,… Et ça, c'est mon optique : c’est avec des situations très simples que tu arrives à justifier ta réflexion. Non seulement c'est bien vu, mais en plus c'est drôle ! D’office on comprend beaucoup mieux ton état d'esprit. C'est bien plus acceptable que de balancer des vérités . On ne peut pas se perdre.
Par exemple, Jamel a mis en lumière une tranche de la population qui n’intéressait personne. Les gens consomment ce qu'on leur propose : si on leur donne du Michel Leeb, ils vont consommer du Michel Leeb. Quand Jamel est arrivé, c'était une claque ! Un petit reubeu handicapé avec une élocution approximative,… On a le droit de sortir des sentiers battus. C’est un exemple, c’est possible, tout peut arriver, il faut y croire. Mon père est mécano. Dans ma vie, tout le monde a « un vrai taf » et personne n'a de métier artistique. Que tu fasses n'importe quoi, c'est très bien, si tu t’épanouis. Mon père est rentré dans ce garage à quatorze ans et ne l'a jamais quitté. Moi depuis tout petit, je veux vendre du bonheur.
Tu sais mon pote, quand tu fais rire les gens, comment tu te sens bien ! En fait, quand je sors de scène, j'ai un sentiment du devoir accompli. C'est mieux que n'importe quoi, n’importe quelle drogue ! Je le souhaite à tout le monde, de trouver sa passion. Car combien de gens sont passés à côté de leur vie ? Et on n'en a qu’une. Ça me fait une fracture du moral quand j'entends des gens se plaindre de leur boulot de merde ou alimentaire, alors que tout le monde a du talent. Casse-toi de là, essaye autre chose, ça passe vite une vie ! Je suis déjà nostalgique de mes quinze piges, de mes vingt piges, et on fait quoi maintenant ? Et bien moi, je bosse, je suis convaincu qu'on peut transformer son kiffe en taf. »
Septmille : Et maintenant ?
B.N. : « J’ai rencontré Olivier Guéret, de Zoom Production. Il est venu me trouver car il aimait le personnage. Il est en train de mettre sur pied une série qui n'a pas encore vu le jour. C'était ma première expérience de tournage concrète. Après j'ai rencontré Thibaut (ndlr : Dopchie), réalisateur. Il a monté une coopérative des travailleurs de l’audiovisuel, Big Trouble in Little Belgium. Ça va vraiment bien matcher entre nous, il fait tous les aspects chiants de notre métier, paperasse, factures,… Tu vois quoi. Lui est entouré d'une équipe très sérieuse. Il m'a fait rencontrer la blinde de gens du métier. En résumé, j'ai trouvé une famille avec eux. On a tourné des capsules vidéo avec le concept « ce sont des gars qui sont en bas de leur immeuble, qui vendent de la weed et il leur arrive plein de trucs ». C’est un format 34 minutes, style Caméra Café, et en fait c'est vraiment cool d'être bien entouré pour bien faire son boulot.
Septmille : Tu en vis ?
B.N. : « J'en vis, mais j'en vis mal. Mon ami, il y a moyen de s'en sortir, de tirer son épingle du jeu. Tu peux jouer beaucoup mais il faut se dégager un salaire minimum, tendre vers l’indépendance, gérer sa propre billetterie, ses propres spectacles, essayer d'être libre pour sa programmation. Après, j'ai été repéré par la RTBF pour le scénario d'une série sur Tipik. J'étais là pour appuyer les vannes et finalement je me suis retrouvé comme acteur. Je joue le stagiaire. C'est complètement différent du stand-up. C'est une réelle source de revenus avec des hauts jamais très hauts et des bas très bas d’intermittents du spectacle (rires). »
Septmille : Le mot de la fin ?
B.N. : « Continuer à dire des conneries et à faire des dates ! Ce samedi 24 juillet, annulez tout ! Il n’y a plus foot, il n’y a plus rien, venez voir Baba à Ghlin. Et en plus, c'est gratuit !
Baba Nezar sera sur scène ce samedi 24 juillet à Ghlin dans le cadre de La Caravane du Rire à Mons !
Infos : https://www.septmille.be/events/la-caravane-du-rire-a-mons-baba-nezar/
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