Charley et les abeilles
Chronique et photos de Daniel Godart
Depuis ce vendredi 2 septembre, les Ateliers des FUCaM accueillent la nouvelle exposition de Charley Case : Abelium. Si ce premier recueil vous conquiert, ne ratez surtout pas la suite le 20 septembre à Frameries, à l'Atelier de Bruno Robbe.
On a croisé les dessins de Charley Chase il y a quelques années, c’était à la Thanksgalerie… À l’époque, il entremêlait humanoïdes vaguement inquiétants (« Gigeriens », oserions-nous dire, le côté mécanique en moins) et mappemondes où s’entortillaient des animaux plus ou moins fantastiques… Un puits sans fond d’évocations diverses… Une effrayante dystopie post-pangéenne en fait, montrant du doigt à quel point l’homme brillait (il le fait encore) par son insignifiance face aux vastes bouleversements tectoniques et aux extinctions de masse. De cet esthétisme calligraphique sourdait un grondant message d’humilité.
Cette fois, il revient, et c’est aux Ateliers des FUCaM… Avec sous le bras une collection d’estampes disséminées sur trois sites :
- Le Malbodium Muséum (Maubeuge), du 09 au 25/09 (présentation générale de l’œuvre).
- Les Ateliers des FUCaM du 02 au 25/09 pour le recueil Abelium.
- L’Atelier Bruno Robbe, du 20 au 25/09 pour la série Fruition.
On s’est attardé sur le site de Mons, parce qu’on y parle abeilles… Et que les abeilles, à l’instar des dauphins, ont la faculté de réveiller en nous d’archaïques fantasmes primaux. Le rêve d’un monde paisible bercé d’abnégation productive où la continuité de l’espèce l’emporte sur la survie de l’individu pour les unes, sourire anthropomorphe et nostalgie freudienne d’une lointaine époque amniotique pour les autres. Cela dit, les hyménoptères et les cétacés odontocètes cumulent aussi des points bonus en matière de classement dans les espèces en voie de disparition. On vous épargne le côté crucial de la pollinisation, les brouillasses de pesticides et les flux de 5G, ce serait pontifiant… Non ?
Après tout, les gens savent tout ça, ils y réagissent au mieux avec un soupçon fugace de honte génocidaire, au pire avec une indifférence placide… Dès lors que tout le monde s’en fout, il reste l’art…
Parce qu’avec lui, on entre en résistance, on remet à flot les vestiges de ces énergies antédiluviennes que l’orgueil d’une race, la nôtre, a depuis trop longtemps enterré.
Il y a quelque chose de primaire, de viscéral dans cette expo, quelque chose de chamanique, une heureuse vision de la chitine traitée toute en poésie et sinuosités.
A la sortie, on repique, tels des Stukas, vers notre décadence, les yeux rivés sur le smartphone, embarrassé d’avoir perdu ce lien qui lie le continu à l’éphémère, en somme, d’avoir oublié les mots qui permettent de parler à la Terre.