La pelleteuse et le papillon
Chronique et photos par Daniel Godart
« La seule chose qui est claire pour moi, c’est que j’ai l’intention de détruire, de détruire tout ce qui existe dans la peinture. J’ai un mépris total pour la peinture, la seule chose qui m’intéresse, c’est l’esprit lui-même. » Joan Miró , 24 janvier 1931.
Ça commence fort, non ?... On est donc allé jeter un œil au BAM, vu que Miró s’y expose… Le Catalan qui interagit sur la perception des choses à la manière d’une division de pelleteuses qui disloquerait tout sur son passage n’a jamais laissé personne indifférent.
La façon dont il déterre les racines de l’art en quête d’une liberté qu’il aurait aimé absolue est autant dantesque que majestueuse et apporte au visiteur un ressenti puissant.
Le pari de conclure cette dénudation esthétique par quelques pièces des collections du BAM (Sous l’égide de ,et avec, Xavier Noiret-Thomé) semble lui aussi assez réussi…
Pourtant, dans les caves, sous cette entreprise de dessouchage artistique, loin du tumulte de l’artillerie picturale lourde, il y a Minutia, de Romina Remmo.
On est aux antipodes des déflagrations des étages, les œuvres y sont bien rangées... Vues de loin, on les sent chétives et presque gênées d’être là… Et puis, on s’approche un peu et ces petites photos commencent à dégager des effluves intimes de vin tiède, de bas nylon, de dentelle, de tissus imprimés, de fonds de tiroir de mercerie.
Comme on n’ose pas les effaroucher, c’est avec lenteur qu’on s’avance un peu plus, juste assez pour se rendre compte qu’il s’agit de peintures, aux traits d’une précision et d’une sensibilité étonnamment subtiles... Quelqu’un a dû probablement se dire qu’il aurait été plus aisé de photographier… Il faudra qu’on lui explique la beauté de l’irrationnel artistique, qu’on lui dise aussi que parce qu’il déclenche ce genre de questionnement, le but de l’œuvre est atteint. Une peinture très réaliste d’un appareil photo en noir et blanc interpelle et résume à elle seule l’étrange lien qui lie, aux yeux de Romina, la peinture à la photographie… La première semblant sublimer l’autre, car outre la précision graphique, l’esprit palpe, sur certaines œuvres du moins, l’onctuosité tiède de la peinture à l’huile. C’est à la Salle aux Piliers, c’est cosy, paisible, une sorte de sas, un passage obligé avant le retour à la vie réelle.
En résumé, le BAM propose un chouette parcours, un champ de bataille multi-niveaux et une escarmouche poétique en sous-sol, une expo, mi-arène, mi-champs de fleurs… Ou plutôt, non, une expo Mi-Ro, mi-na.
C’est donc au BAM, 8 Rue Neuve à Mons (Tél. :+32(0)65/33.55.80) et c’est jusqu’au 08/01/2023.
Sans vouloir vous presser, l’expo de Romina Remmo ne sera visible, elle, que jusqu’au 20/11/2022.